Erika Benko, université de paix: La gestion positive des conflits

Nous avons le plaisir d’accueillir les conseils et le témoignage d’Erika Benko, formatrice et coordinatrice en gestion des conflits pour l’Université de Paix. C’est la première fois que nous accueillons nos amis Belges sur le blog, un grand merci pour leur participation :)

« …l’expérience continue à faire émerger de nouvelles compétences et renforcer celles qui sont déjà là… »

gestion positive des conflits

Face-au-Conflit : Bonjour Erika, pourriez-vous vous présenter s’il vous plaît?

Bonjour Olivier, je suis actuellement formatrice et coordinatrice du certificat en gestion positive des conflits interpersonnels à l’Université de Paix.

Face-au-Conflit : Quel a été votre parcours ? Vos Formations ?

Oh, un parcours riche et varié qui a fait que je me suis intéressée de près à la gestion positive des conflits interpersonnels. En effet, j’ai été ouvrière, employée et employeure dans une petite entreprise avant de décider de faire des études supérieures en psychologie, et plus particulièrement en psychologie du travail. Le diplôme d’assistante en psychologie en poche, j’ai travaillé dans le secteur de l’insertion socioprofessionelle, puis dans le secteur de la santé. A 39 ans et face au constat que je me faisais des relations humaines aussi bien dans le milieu du travail que dans la vie de tous les jours, j’ai eu envie de travailler plus spécifiquement la gestion des conflits et la prévention de la violence. J’ai trouvé les outils et les moyens que je cherchais à l’Université de Paix.

Face-au-Conflit : Pouvez-vous nous en dire plus sur l’université de la Paix ?

L’association a été fondée par Dominique Pire qui a reçu le prix Nobel de la Paix en 1958. C’est une organisation de jeunesse reconnue par la Fédération Wallonie Bruxelles. L’Université de Paix est un centre de formation et de réflexion, qui contribue à faire connaître des moyens possibles pour prévenir la violence et y faire face, à l’école, dans le milieu du travail, dans la famille, dans le quartier. Et cela par des conférences, des formations courtes et longues (sous forme de certificat ou brevet reconnu), des intervisions et supervisions d’équipes et via la diffusion d’outils pédagogiques tels que des manuels, des jeux, des livres, des marionnettes, …

Face-au-Conflit : Pourriez-vous nous expliquer les grands principes de votre approche de la gestion des conflits ?

L’Université de Paix adopte un point de vue ouvert qui privilégie la combinaison de différentes ressources et philosophies.

Au niveau de la didactique générale : nous travaillons particulièrement le « vivre ensemble », c’est la base et le point de départ  de nos interventions. Pour nous, il constitue un rouage à part entière dans la gestion et la prévention des conflits. Ce sont des activités qui permettent de mieux se connaître, de créer des liens, d’accepter nos différences qui sont des richesses ! Nos autres rouages sont : comprendre, communiquer et agir. Le rouage comprendre consiste en un temps de réflexion sur les attitudes, perceptions et ressentis par rapport aux conflits, il vise à mettre des mots sur la façon dont on aborde les conflits. Dans le rouage communiquer, nous allons travailler d’une part l’écoute du verbal et du non-verbal et d’autre part de ce qui se vit intérieurement, l’expression de ses sentiments. Enfin l’agir vise à doter les participants d’outils pour gérer de manière autonome leurs conflits.

Nous avons une approche émotionnelle, corporelle et neurologique de la communication et des relations, notamment par le travail de gestion des émotions (pleine conscience, cohérence cardiaque, exercices de yoga, apport neurolinguistique (PNL) par l’ancrage, synchronisation et désynchronisation non verbales, etc.)

Une compréhension des relations interindividuelles par exemple avec le modèle Thomas et Kilmann pour définir les différentes attitudes que nous pouvons avoir en situation conflictuelle, l’apport de l’analyse transactionnelle, le travail sur l’estime de soi, le décodage du non-verbal, le travail sur les valeurs et les croyances, la distinction philosophique entre un fait et un jugement.

Une compréhension des relations institutionnelles et groupales par l’apport de la sociologie (dynamique de groupe, les phénomènes de groupe), de la systémique et dynamique organisationnelle (Crozier).

Nous utilisons des techniques spécifiques de communication et d’écoute comme l’écoute active, la CNV, l’assertivité, la négociation, des techniques de contre-manipulation, des techniques de médiation…

Face-au-Conflit : Quels sont les éléments primordiaux pour réussir sa gestion des conflits ?

La compréhension de son propre fonctionnement et attitudes en conflit, l’estime de soi, l’acquisition de techniques de communication, l’expression de l’empathie, la compréhension également de son rapport au pouvoir et à l’autre, et enfin la capacité à reconnaître et réguler ses propres émotions.

Face-au-Conflit : Quels sont les outils à maitriser pour garantir un résultat positif ?

Je dirais que c’est soi-même ! Nous sommes nos propres médiateurs avant toute chose. C’est un apprentissage qui n’est jamais complètement abouti car l’expérience continue à faire émerger de nouvelles compétences et renforcer celles qui sont déjà là.

Face-au-Conflit : a contrario, lors d’une crise que ne faut-il absolument pas faire ?

Péter un câble pour décharger ses émotions ?… Bien que cela est possible et préférable dans un lieu prévu pour cela comme un coin colère… Il faut tenter de rester dans la gestion non violente d’un conflit (frapper, insulter, …), si possible dans ce qui est acceptable pour soi et l’autre. La manière de gérer un conflit dépend de la situation et des personnes. Chacun est responsable de ses actes et assume les conséquences de ses actes. Deux chercheurs, Thomas et Kilmann, ont identifié cinq attitudes en situation de conflit et de leur pertinence en fonction du contexte. Ces cinq attitudes possibles en conflit sont: la compétition, l’accommodation, le repli, le compromis et la collaboration. En conflit, le choix d’une attitude est lié à deux éléments : l’importance de l’objectif et de la relation. Aucune attitude n’est bonne ni mauvaise en soi. Si le repli par exemple n’est pas indiqué pour régler un conflit, il peut à d’autres moments être plus indiqué pour soi et la relation, notamment quand c’est le repli qui est préférable pour prendre du recul  et pour réguler ses émotions par rapport à une situation/une personne, évitant ainsi l’escalade de la violence. Mais je ne peux avoir la garantie absolue d’un résultat positif, cela dépend de plusieurs facteurs ; une bonne utilisation d’outil ne garantit pas la réaction de l’autre qui peut être vexé par exemple. De même, je peux utiliser un « message risqué » et que cela passe très bien auprès de mon partenaire qui en rit, débloquant ainsi la situation de crise…

Face-au-Conflit : Selon vous quelles sont les trois étapes fondamentales pour sortir quelqu’un de l’agressivité?

D’abord, ne pas rester physiquement pile face à lui pour ne pas faire augmenter d’avantage le rythme cardiaque, il faut un peu pivoter sur son axe et s’ancrer mentalement et physiquement dans le sol en pliant légèrement les genoux. La gestion de ses propres émotions en passant par le corps peut aider l’autre à réguler les siennes.

La suite dépend de ce que l’on se sent dire (ou pas) à l’autre, de notre niveau d’empathie, de notre expérience :

-Être dans une attitude calme et d’écoute passive, ou décontenancer l’autre, l’appeler par son prénom afin de garder le contact, confirmer ce qui peut l’être dans ce que dit l’autre, reformuler en redisant certains mots de l’autre…

Puis

-Pratiquer l’écoute en faisant des hypothèses sur l’émotion et clarifier les besoins de l’autre. Toutefois, si le niveau de la colère est trop important cela ne peut marcher, il faut attendre un moment après la crise (10 minutes à plusieurs jours) afin que la tension diminue et permette à la personne l’accès au dialogue.

Face-au-Conflit : Quelles formations conseilleriez-vous à nos lecteurs?

Il y en a beaucoup, tout dépend des besoins et des attentes !!! C’est difficile de répondre à cette question. Je n’ai pas envie de conseiller mais plutôt d’être à l’écoute des besoins individuels et/ou collectifs…

Face-au-Conflit : Pour conclure, si le lecteur ne devait retenir qu’une seule chose, quelle serait-elle ?

Cultiver l’ (auto-)empathie en utilisant un vocabulaire émotionnel élargi.

Merci Erika !

Pour contacter Erika Benko :

Mail:  e.benko@universitedepaix.be

Site : http://www.universitedepaix.org/

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